Qu'est-ce qu'une parodie?
Arrêt
de la Cour d'Appel de Paris
18 février 2011
La parodie est une exception
au principe du droit d'auteur.
Dans le cas de la parodie, le
droit d'auteur s'oppose à la liberté d'expression.
Une parodie
reprend une œuvre existante et l'adapte. Elle devrait donc en principe nécessiter
l'autorisation préalable de l'auteur de l'œuvre première.
Cependant, le
législateur, se doutant que l'auteur de l'œuvre parodiée pourrait voir d'un mauvais
œil la naissance d'une œuvre se moquant de sa propre œuvre, a voulu protéger et
défendre la liberté d'expression en créant l'exception de parodie.
Il
n'est donc pas nécessaire de demander l'autorisation préalable de l'auteur de
l'oeuvre première pour en faire une parodie.
Cette exception est prévue
à l'article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle.
Mais
comme toute exception celle-ci a été soigneusement encadrée par la jurisprudence.
L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris rendu le 18
février dernier nous donne une nouvelle fois les conditions de sa mise en œuvre.
Il s'agit en l'espèce d'une collection de romans intitulée "Les aventures
de Saint-Tin et de son ami Lou", romans écrits par un certain Gordon
Zola et publiés aux Éditions du Léopard Masqué.
Ces romans
mettent en scène, à notre époque, un jeune reporter nommé Saint-Tin persuadé d'être
le fils de Tintin. Les intrigues sont construites autour d'enquêtes policières
qui mènent Saint-Tin dans de dangereuses expéditions tout comme son présumé père.
Nous sommes donc en présence d'une série de romans
parodiant à la fois :
- les titres de l'œuvre d'Hergé : "Le
Crado pince fort" pour "Le crabe aux pinces d'or",
-
les couvertures d'Hergé : ainsi par exemple pour "Le Crado pince fort",
voit-on en plein désert, sous un ciel bleu, le corps d'un aventurier allongé sur
le sable, avec à proximité de lui, tracé dans le sable "le homard m'a tuer",
-
les personnages principaux,en détournant leur nom et en accentuant leurs traits
de caractère : par exemple le capitaine Aiglefin pour le capitaine Haddock,
-
les histoires et l'univers d'Hergé.
L'arrêt
du 18 février 2011 nous dit :
1. La parodie bénéficie
à toute forme d'œuvre et peut emprunter un genre différent de celui de l'œuvre
parodiée.
En l'espèce, les genres sont différents puisque les parodies
sont des romans, et les œuvres premières des bandes dessinées.
2.
La référence à l'œuvre parodiée doit être non-équivoque, et il ne doit exister
aucun risque de confusion entre l'œuvre première et la parodie.
En l'espèce,
la Cour a considéré notamment que, bien que des références soient faites à des
scènes tirées des albums, le prologue, l'épilogue et l'intrique de chaque roman
diffèrent des albums de bandes dessinées.
3. La parodie ne peut s'attribuer le
bénéfice de la notoriété de l'œuvre
première et vivre de son rayonnement en reprenant les ressorts
de l'œuvre parodiée.
Ainsi, précise la Cour,
l'adjonction aux emprunts faits à l'œuvre première de traits d'humour secondaires
ne modifierait pas la nature d'une entreprise littéraire qui souhaiterait détourner
la notoriété d'une œuvre.
On notera cependant que
rares sont les parodies d'oeuvres inconnues...
4. Enfin,
le dessein de la parodie est de se moquer, de tourner en dérision pour faire rire
ou sourire.
En l'espèce, la Cour a considéré que d'emblée, à la lecture
du titre et à la vue des couvertures, la volonté des auteurs est de faire rire
et que le dessein parodique se révèle par le recours à de nombreux calembours,
l'exagération des traits de caractère, aux travestissements comiques et à
un style écrit qui privilégie les bons mots et les jeux de mots.
Et
c'est sans aucun doute le rire qui, dans cette affaire, a su convaincre les juges!
Le 28 avril 2011
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