L'accord
cadre sur le contrat d'édition dans le secteur du livre du 21 mars 2013
(Introduction)
Suite à plusieurs années de négociation, le 21 mars 2013,
le Conseil Permanent des Écrivains et le Syndicat National des Éditeurs
ont signé un "accord-cadre sur le contrat d'édition dans le secteur
du livre".
Cet accord présenté comme étant "la volonté commune" des parties signataires
a pour objectif d'éclairer les débats législatifs à venir sur l'ensemble
des règles nouvelles qui s'appliqueront au contrat d'édition.
Une loi et un code des usages
La refonte des règles portant sur le contrat d'édition se fera par deux
voies : par la modification de la loi et donc du Code de la propriété
intellectuelle, et par la rédaction d'un code des usages.
Ainsi, les dix points figurants dans l'accord comprennent des dispositions
dédiées au Code de la propriété intellectuelle et d'autres au code des
usages.
En conséquence, bien que l'accord ait fait l'objet d'un travail de rédaction
en vue de son intégration dans la loi et le code des usages, il n'est
pas directement applicable et pourra faire l'objet de nouveaux débats
au Parlement.
L'articulation entre la loi et le code des
usages
L'articulation entre le code de la propriété intellectuelle et le code
des usages existe déjà aujourd'hui en matière d'édition mais le recours
au code des usages sera demain plus étendu et systématique.
Le code de la propriété intellectuelle posera les principes généraux
relatifs au contrat d'édition, le code des usages leurs modalités d'application.
Le renvoi à un code des usages a pour objectif de permettre aux représentants
des auteurs et des éditeurs de moduler ces règles en fonction de l'évolution
du marché du livre :
- par des discussions tous les cinq ans sur la révision du code des
usages ;
- par la possibilité pour les parties de dénoncer le code des usages
à tout moment avec un préavis de trois mois.
En principe, un code des usages n'a pas une force obligatoire comme
une loi et n'engage que les signataires ou les parties d'un contrat
qui y font référence.
L'accord signé le 21 mars 2013 renforce le caractère obligatoire du
code des usages de deux manières :
Il prévoit d'abord un engagement quant à l'adoption conjointe des auteurs
et éditeurs d'un code des usages auquel la loi fera référence de manière
systématique.
Ensuite, le code des usages et ses révisions ultérieures seront rendues
obligatoires à l'ensemble du secteur du livre par arrêté du ministre
chargé de la culture.
Ainsi, ce code aura force de loi et s'appliquera à tous les acteurs,
signataires ou non.
Un accord sur le livre imprimé et le livre
numérique
Les négociations avaient eu pour point de départ de définir les prérogatives
et obligations de l'éditeur en matière d'édition numérique.
Il s'avère à la signature de l'accord qu'auteurs et éditeurs ont élargi
leur champ de réflexions et défini ensemble les contours des règles
applicables au contrat d'édition du livre imprimé et du livre numérique.
Ainsi, l'accord prévoit la mise en place de règles nouvelles quant à
l'exploitation d'un ouvrage sous forme papier :
- l'absence ou la non conformité de la reddition des comptes par l'éditeur
pourra entraîner après mise en demeure de l'auteur la résiliation de
plein droit du contrat d'édition ;
- si aucun droit n'est versé ou crédité en compensation d'un à-valoir,
la résiliation du contrat d'édition pourra être demandée sous certaines
conditions par l'auteur ou l'éditeur ;
De même, dans la définition de l'exploitation permanente et suivie d'un
ouvrage imprimé, est envisagée, sans que l'accord ne la nomme, l'impression
à la demande.
En matière d'édition numérique, des dispositions sont prévues quant
à :
- la définition des obligations de l'éditeur,
- la rémunération de l'auteur et la reddition des comptes,
- le droit moral de l'auteur - la possibilité de réexaminer les clauses
économiques du contrat.
Ainsi riches de leurs expériences, auteurs et éditeurs ont profité de
l'arrivée du numérique pour repenser les règles régissant l'édition
du livre quelle que soit sa forme.
Le métier d'éditeur : l'édition imprimée et
numérique
Le socle de l'accord repose sur une nouvelle définition du contrat d'édition.
Par le contrat d'édition, l'auteur cède le droit de fabriquer ou de
faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'œuvre, ou de la réaliser
ou de la faire réaliser sous une forme numérique, à charge pour l'éditeur
d'en assurer la publication et la diffusion.
Ainsi par cette nouvelle rédaction, l'éditeur a le choix compte tenu
de la situation actuelle du marché du livre et de son évolution, d'exploiter
l'œuvre sous forme papier, sous forme numérique ou sous les deux formes
à la fois.
L'obligation principale de l'éditeur est donc plus souple puisque la
non-exploitation sous une forme ou une autre ne pourra pas entraîner
la résiliation du contrat, alors qu'aujourd'hui l'indisponibilité d'un
livre imprimé peut entraîner la résiliation du contrat quand bien même
l'œuvre serait disponible sous forme numérique.
La forme du contrat : deux parties distinctes
La liberté de choix de l'éditeur quant aux formes d'exploitation est
renforcée par les conditions de rédaction du contrat.
S'il n'est pas nécessaire de faire deux contrats distincts pour chacune
des formes d'exploitation comme pour la cession des droits d'adaptation
audiovisuelle, le contrat d'édition devra comprendre deux parties
distinctes, reprenant d'une part les conditions relatives à la cession
des droits liés à l'exploitation imprimée de l'œuvre et, d'autre part,
les conditions liées à l'exploitation numérique de l'œuvre.
Ces deux parties seront autonomes : la non-exploitation de l'œuvre sous
forme imprimée n'entraînera pas la résiliation du contrat dans son ensemble
mais uniquement l'annulation des clauses correspondantes, à l'inverse
la non-exploitation de l'œuvre sous forme numérique, n'aura d'effet
que sur la partie concernant la cession des droits d'exploitation numérique.
Conclusion :
Cet accord est le résultat d'un important travail de réflexion sur l'édition
et son évolution. Il comble certaines des lacunes des dispositions législatives
actuelles.
Par l'articulation entre la loi et le code des usages, par la possibilité
de réexaminer ultérieurement à la signature du contrat certaines de
ses clauses, par la définition étendue du contrat d'édition et le choix
laissé à l'éditeur quant aux formes d'exploitation, cet accord est un
texte rédigé par des acteurs issus du livre papier. Il est le reflet
de leurs interrogations sur l'avenir.
A la lecture de cet accord, il apparaît que pour ses signataires, l'essor
du livre numérique, quand bien même il en soit fait mention, n'est pas
encore une certitude.
Le 4 avril 2013
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